L’AMF leur dit “Stop”, la Cour leur dit “Encore” : cas d’une startup crypto pendant le covid.
- BECTRA
- 12 avr.
- 4 min de lecture

Dans un coin feutré du Pôle financier de la Cour d’appel de Paris, une petite entreprise crypto (appelons-la BPS) a décidé de ne pas se laisser faire. Face à elle ? L’institution la plus redoutée du game financier hexagonal : le régulateur des marchés (alias “ceux-dont-on-ne-doit-pas-dire-le-nom”, mais que tout le monde devine).
L’objet du clash ? Un simple mail de l’AMF envoyé juste avant Noël (ça ne s’invente pas 😅), qui exigeait que BPS arrête tout, tout de suite. Motif : absence d’enregistrement en tant que Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN – désormais PSCA), comme l’exige la loi PACTE. Et ce, dès le 19 décembre 2020. Joyeux Noël.
Petit rappel juridique
Depuis la loi PACTE, toute boîte crypto en activité doit obtenir un sésame : l’enregistrement PSAN (désormais PSCA) auprès de l’AMF. Délai accordé ? 12 mois à partir du 18 décembre 2019. Soit, en principe, jusqu’au 18 décembre 2020. Facile à retenir. Sauf que… COVID est passé par là. Et une petite ordonnance du 25 mars 2020 est venue tout bousculer, prorogeant plein de délais, mais selon l’AMF… pas celui-là. Bim !
Pourquoi BPS a tenté (et réussi) de bloquer la décision de l’AMF ?
La startup argue que :
Elle a bien déposé son dossier d’enregistrement le 26 novembre 2020 (ok, un peu en retard... mais quand même dans les clous).
Elle n’a jamais eu de réponse de l’AMF (quand c’est urgent, y’a plus personne).
Elle risque de faire faillite en quelques semaines si elle stoppe son activité : chiffre d'affaires de 500 000 € par mois, 10 emplois menacés.
L’AMF n’a pas respecté la procédure contradictoire imposée par le code monétaire (pas cool ça).
Le Twist Juridique : Sursis à Exécution Accordé !
Et là, boum 💥 : la Cour d’appel dit OK pour le sursis à exécution ! Pourquoi ?
La lettre de l’AMF n’est pas un simple “rappel à la loi”, c’est une vraie décision qui fait mal.
L’AMF a sauté l’étape obligatoire de la mise en demeure.
La suspension des délais due au COVID pouvait légitimement repousser la deadline au 30 mars 2021 (pas au 18 décembre 2020).
La boîte risque la cessation de paiement = conséquences manifestement excessives.
Résultat : on gèle la décision de l’AMF jusqu’à ce qu’un vrai jugement statue au fond de l’affaire.
Moralité : David peut toujours titiller Goliath… Surtout quand il est bien conseillé !
Entre obligations PSAN (désormais PSCA), cafouillages procéduraux, et effets COVID, cet arrêt rappelle que même les startups crypto ont le droit à un traitement loyal. Et que, parfois, face à la machine administrative, il suffit d’un bon timing, de bons arguments… et d’un soupçon de courage pour gratter du temps et de la crédibilité.
Le sursis à exécution, ou comment mettre le régulateur sur pause
S’il est vrai que nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il que la loi soit claire, appliquée correctement… et surtout qu’on laisse le temps aux startups de souffler, non ? C’est en tout cas ce que la société Blockchain Process Security (appelons-la affectueusement BPS) a plaidé devant la Cour d’appel de Paris. Et spoiler alert : ça a marché.
Petit rappel technique : l’article L.621-30 du Code monétaire et financier prévoit qu’une juridiction peut surseoir à une décision si celle-ci est « susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ». Traduction : si ça risque de ruiner ta boîte en un claquement de doigts, on met pause.
🚨 Une décision pas si anodine de l’AMF
Le Secrétaire Général de l’AMF avait notifié le 21 décembre 2020 une décision (n°2020004191 pour les amateurs de références croustillantes) à la société BPS, l’invitant gentiment — mais fermement — à tout arrêter dès le 19 décembre. Une décision expédiée en mode “express”, sans passer par la case “mise en demeure réglementaire”. Autrement dit, un vrai raccourci procédural.
La Cour d’appel, quant à elle, n’a pas été dupe. Non, ce n’était pas un simple "rappel à la loi", mais une vraie décision qui fait mal. Donc recevable.
Un cocktail d’irrégularités
Une procédure zappée comme un pop-up sur Chrome
L’AMF aurait dû, conformément à l’article L.621-13-5 du Code monétaire et financier :
Envoyer une mise en demeure officielle
Accorder un délai de 8 jours pour répondre
Informer sur les sanctions en cas de désobéissance
Résultat ? Aucun de ces éléments n’a été respecté. BPS a été sommée d’arrêter ses activités du jour au lendemain, sans procédure contradictoire. Et ça, la Cour n’a pas aimé.
Une interprétation discutable du calendrier
La date fatidique du 18 décembre 2020 imposée par l’AMF aurait dû, selon BPS, être repoussée grâce à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (celle sur les délais suspendus pendant l’état d’urgence Covid). Argument recevable, dit la Cour. Donc encore un point noir pour l’AMF.
Des conséquences (vraiment) manifestement excessives
BPS ne joue pas dans la catégorie des licornes, mais son chiffre d’affaires mensuel moyen est de 500 000 € avec des charges fixes de 27 455 €. Le solde bancaire au 30 novembre ? 76 355 €… autant dire, quatre semaines de répit avant la noyade.
Et cerise sur la blockchain : une dizaine d’emplois directs sont en jeu.
Si BPS devait tout arrêter sans délai, c’était la faillite assurée. Et ça, ce n’est pas seulement “manifestement excessif”, c’est carrément l’apocalypse économique version start-up.
Résultat : Sursis accordé !
🏛️ La Cour a tranché : tant que le recours principal n’a pas été jugé, la décision de l’AMF est suspendue. Oui, BPS peut continuer à miner, vendre, conserver, respirer — au moins jusqu’à ce que la Cour dise son dernier mot.
Ce qu’il faut retenir :
Une décision même “rappel à la loi” peut faire grief si elle impose un arrêt d’activité.
Les délais, c’est sacré. Et les suspendre pendant la Covid, c’était une réalité juridique, même pour l’AMF.
Le contradictoire n’est pas une option. Même pour les gendarmes des marchés.
Une startup crypto, même modeste, peut être victime de l’ultra-formalisme si on ne respecte pas les procédures.
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